Théodore Monod est une partie du passé qui se conjugue au présent et dont l’immortalité des travaux le projette dans l’avenir...

3 - Le vieil homme et l’avenir

9; 3 - 1 Méthode de recherche de Théodore Monod

Théodore Monod est un modèle emblématique de chercheur scientifique du XIXème siècle. Il parcourt la planète en ramassant le maximum d’objets ayant un intérêt pour la science. On peut considérer que la méthode expérimentale de Théodore Monod, est empirique car c’est à partir de la quantité maximale d’objets, roches, fossiles, plantes diverses,... qu’il aura récolté qu’il établira des hypothèses à propos de la géologie du désert ou bien à propos des conditions nécessaires de survie de certaines espèces aussi bien végétales qu’animales.

Mais il faut reconnaître qu’il n’est plus possible actuellement pour les chercheurs scientifiques de travailler de la même façon. La science progresse toujours davantage et il n’est plus envisageable d’accumuler de manière encyclopédiques tous les savoirs se rapportant aux sciences naturelles. Les spécialisations des nouveaux chercheurs sont de plus en plus accentuées et précises. La maîtrise de l’ensemble ne pourra plus exister. En cela Théodore Monod fait partie du passé et le contraste est encore plus frappant quant à la recherche sur le terrain. Les scientifiques actuels ne partent plus dans de très longues expéditions avec l’espoir de trouver quelque chose ayant un intérêt pour la science, ils savent précisément ce qu’ils recherchent.

Au contraire, les domaines d’études et de recherches du professeur Monod sont très larges et très variés car il s’agit pour lui de correspondre à sa propre définition de la science, c’est-à-dire " d’augmenter le volume des connaissances humaines sur n’importe quoi, sur un problème, sur un phénomène, sur la composition des roches, sur la persistance de la vie dans le désert, sur le mur le long d’un fleuve pourvu qu’il soit tapissé de végétaux... "

C’est pourquoi la méthode recherche scientifique de Théodore Monod consiste à accumuler les échantillons se rapportant aux sciences naturelles pour redistribuer ensuite ces échantillons multiples et variés au Muséum national d’histoire naturelle où ils seront analysés et permettront peut-être d’élaborer des théories. Le désert étant le lieu rêvé pour se livrer à ce genre d’études car il fait figure de Genèse de la nature et il est par conséquent très riche en enseignements pour le naturaliste qui désire s’intéresser à l’évolution des espèces ou bien la survie des espèces dans des conditions extrêmes et hostiles ou encore la création du sous-sol et toute le géologie d’un milieu désertique qui ne l’a pas toujours été évidemment.

Théodore Monod est donc, avant tout, un serviteur du Muséum d’Histoire naturelle qui a pu grâce à ses recherches débroussailler toutes les connaissances actuelles sur le Sahara dans tous les domaines d’études des sciences naturelles. Pour se faire, Théodore Monod a légué toute sa bibliothèque saharienne au Muséum où se trouvent également tout ses travaux en ichtyologie, comme son herbier de 20 000 plantes, et toutes ses découvertes sur l’évolution géologique et sur l’évolution des espèces. Les différents centres de L’Institut Français d’Afrique Noire, installés dans les principales villes d’Afrique et dont le " siège " est Dakar, ont Théodore Monod comme directeur et fondateur, et poursuivent le même objectif que le Muséum d’Histoire naturelle.

Cependant, ce n’est pas parce que Théodore Monod a des connaissances très vastes en sciences naturelles et parce qu’il a fait progresser la science dans des domaines très variés qu’il se contente d’aborder superficiellement les problèmes. Bien au contraire, Théodore Monod approfondit les études dans ses multiples découvertes, " il va très au fond des problèmes " et pour justifier cette affirmation, un seul exemple suffit : " J’ai rédigé trois séries de cahiers qui traitaient exclusivement des fruits et des graines de Mauritanie. "

Les recherches scientifiques de Théodore Monod ne se limitent pas aux récoltes et aux études de terrain lors de ses grandes expéditions dans le Sahara mais elles sont aussi le fruit de sa réflexion dans son bureau du Muséum ou de l’I.F.A.N. où, certes on le voit moins souvent comme en témoignent ses collègues. Le professeur Monod définit son bureau du Muséum comme son " travailloir " et le compare au désert parce qu’il lui procure les mêmes sensations : " Lorsque j’arrive au Muséum d’histoire naturelle, j’ai l’impression d’entrer dans une forteresse hors du temps. " Mon travailloir " conserve mes récoltes animales, végétales, minérales engrangées depuis soixante-dix ans. Le désert a forgé son disciple. Sans lui, aurais-je eu le goût pour la transparence, la rigueur, l’émerveillement ? Cet espace élimine l’homme faustien. C’est une école qui nous oblige à jeter la quincaillerie des pensées, à nous fortifier. "

3 - 2 Chercheur du passé dans l’actualité et plein d’avenir

Théodore Monod est un chercheur qui, bien que sur le modèle des chercheurs du siècle dernier et du début de ce siècle, est indispensable pour ses contemporains, il tient actuellement des conférences internationales, mais aussi plein d’avenir car il est immortel, ses travaux sont une base de données extraordinaire pour les chercheurs d’aujourd’hui et la recherche africaine conservera toujours sont souvenir.

En effet, nous avons démontré précédemment que Théodore Monod avait le profil du chercheur parcourant la planète et ramassant le plus de chose possible et, en cela, il faut reconnaître qu’il appartient au passé car les méthodes actuelles ne sont plus les mêmes. Cependant, les travaux entrepris par Théodore Monod constituent une base de travail formidable pour les nouveaux chercheurs qui désirent s’intéresser à la morphologie du crâne de certains poissons, par exemple, les dessins, les coupes, les planches de Théodore Monod étant irremplaçables dans ce domaine.

Un autre aspect rend le professeur immortel, il s’agit de toutes ses études sahariennes qui l’ont amené à être le fondateur et le directeur de toute la recherche africaine concernant les sciences naturelles. Djibril Samb, chercheur scientifique africain et directeur de l’I.F.A.N. en l’absence de Théodore Monod, nous rappelle que : "  Tant qu’il existera une recherche africaine, le souvenir de Théodore Monod sera vivace ". Pourtant, cette tâche confiée à Théodore Monod n’a pas été chose facile car les moyens dont il disposait étaient bien minces et il a fallu son énergie, son dynamisme, sa volonté mais aussi son exigence et sa force de caractère pour fédérer cette recherche africaine.

Mais ne parlons surtout pas de Théodore Monod comme de quelqu’un pour qui la carrière est achevée car s’il était un verbe il se conjuguerai, sans aucun doute, au présent. Le professeur Monod est solliciter aujourd’hui dans de nombreuses conférences scientifiques et sa connaissance des sciences naturelles fait des émules.

En résumé, Théodore Monod est dynamique, nomade, constamment en mouvement vers l’avenir, mais pas vers un progrès sans merci, guerrier, vers un avenir au dimension spirituelle pour un homme meilleur, un homme nouveau suffisamment instruit, curieux et réfléchi pour ne pas se laisser dominer par des formules banales et trop vague comme " on n’arrête pas le progrès "

Dans le Chercheur d’absolu cette idée source d’énergie en lui se trouve résumée : " De retour dans la Cité qui n’est pas Idéale, le professeur prépare " le nouvel homme " avec des verbes actifs : lutter, combattre, défiler, jeûner, parler, soutenir, écrire, répondre aux courriers, aux journalistes, aux étudiants, aux amis. Participer à des Conférences, débats, colloques, congrès internationaux. Parler de la nature, de la Préhistoire, du Sahara, de la guerre, des Touaregs. Rester un homme de terrain après les grandes traversées sahariennes, interpeller celui qui s’est sacré " Roi de la Création ". " Et pourquoi pas, plutôt, citoyen du monde ? " demande Monod.

Monod va du désert à la ville. Il ne rejette pas la colère. Il l’utilise comme une dynamique. Il démasque. Il veut bien être le serviteur de l’homme mais si celui-ci est nettoyer, poncé, démasqué. Au contact des peuples de tradition orale, il a appris un chant, celui du silence. "

3 - 3 Plus qu’un métier, une réelle passion

La passion dont tout le monde rêve dans l’exercice de ses fonctions, Théodore Monod la connaît. Il ne fait pas sont métier de naturaliste, botaniste et humaniste ... par nécessité ou par obligation pour survivre, comme beaucoup trop malheureusement, mais par amour à tel point que le terme métier ne convient pas et Théodore lui préférera celui de passion.

3 - 31 Passion rencontrée par Théodore Monod dans le Désert

Théodore Monod reconnaît la chance dont il bénéficie : " Je fait un travail passionnant et on ne me paie pour le faire ; quoi demander de plus. " Cette passion, Théodore Monod l’a rencontré très jeune dans ses promenades dans le Jardin des plantes avec sa mère puis dans ses études dans les diverses spécialités que comptent les sciences naturelles notamment lors de ses plongées dans les hauts fonds marins, mais la véritable révélation de cette passion fut lors de sa première expédition en Mauritanie initialement prévue pour l’études de la faune et la flore sous-marines et qui est vite devenue l’occasion pour Théodore de découvrir un monde à part : le désert. Le désert hors du temps, témoin des temps anciens et peut-être des temps futurs. Le désert magnifique, le désert magique, la beauté, l’essence du monde... autant de sentiments au contact du désert qui ont éveillé chez Théodore Monod une réelle passion, l’émerveillement et plus encore, la fascination de l’absolu.

Les expéditions vont alors se multiplier, de plus en plus longues jusqu’à onze heures trente de marche par jour, d’où la nostalgie actuelle de Théodore Monod qui avoue à cause de son grand âge : " à partir de cinq heures de marche, j’en ai déjà plein les pattes ". Cependant, à pieds, à dos de chameau, en 4x4 maintenant, Théodore Monod aura sillonné, arpenté, traversé de part en part le désert saharien pendant plus de soixante-dix ans (c.f. cartes des trajets hauturiers de Théodore Monod et carte du Sahara dans les annexes). Mais gardons à l’esprit qu’il ne se définit pas comme un aventurier mais comme un scientifique, la notion d’aventure étant trop vague et l’acception du terme qu’il privilégie est celle de l’aventure spirituelle naturellement.

Un passage émouvant du Chercheur d’absolu, relate sa passion du désert qui constitue presque une drogue pour ce prince du désert :

" Je vais retourner prochainement dans le désert libyque, vers ce que j’appelle " les âpres solitudes bénies ". Lorsque je quitte le désert c’est toujours avec douleur. Redevenir européen, citadin marque pour moi un arrêt difficile. J’ai l’impression de quitter un navire. Surtout après les traversées au long cours de 800 Kilomètres à chameau ou à pied. Durant ma jeunesse, cette séparation avec le désert s’avéra vraiment très difficile. La jeunesse est pleine de sève. La paix du soir l’habite difficilement. La sagesse est souvent une action vers la guérison. "

 

3 - 32 Lyrisme dans l’écriture

Théodore Monod retransmet sa passion du désert et du Sahara dans son écriture qui dans ses premiers contacts avec le désert était très poétique et très lyrique. Ainsi la qualité littéraire de ses récits témoignent de son émerveillement face à la beauté, la splendeur et même la fascination voire l’envoûtement du désert sur Théodore. En voici quelques exemples dans ses premiers écrits : Maxence au désert et Méharées ainsi que quelques poèmes:

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Un extrait du Chercheur d’absolu est également très émouvant parce qu’il témoigne de la nostalgie de Théodore Monod qui a du abandonné les méharées à dos de chameau pour les véhicules motorisés :

" Je songe à cette longue parenthèse, ouverte en 1923 et refermée le 9 janvier 1994 à midi dix, heure et date auxquelles je suis descendu de chameau pour la dernière fois. Il faut bien se résoudre à certaines raisons physiologiques ! Le voyage au long cours saharien, je le ferai désormais en 4x4... "

 

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