Un être pluriel mais unique, conscience de notre époque, il nous montre la lumière vers laquelle l’homme doit se diriger...
2 - Théodore Monod, Savant ou philosophe ?
2 - 1 Théodore Monod incontestablement grand savant
Théodore Monod est indéniablement un grand savant car il accumule les savoirs, les connaissances des diverses disciplines qui composent les sciences naturelles. Ces nombreuses spécialités prouvent l’étendue de ses connaissances dans tous les domaines et dans toutes les spécificités qui constituent les sciences naturelles. Comme nous l’avons montré précédemment, les travaux entrepris par Théodore Monod témoignent de sa maîtrise des sciences naturelles. Sa culture n’est pas limitée à la connaissance des sciences naturelles mais elle est générale et en permanent développement grâce à sa curiosité insatiable qui le pousse à apprendre, à découvrir, à rechercher toujours davantage pour assouvir sa soif de connaissance jamais rassasiée.
Cependant, Théodore Monod n’apprécierait sûrement pas cette qualification prétentieuse de : savant car personne n’est en mesure de parvenir à la connaissance absolue, totale dans n’importe quel domaine que ce soit. A ce propos, Thomas Edison avait affirmé " On ne saura jamais un pour-cent d’un millionième de quoi que ce soit " Théodore aurait complété " mais on continuera d’essayer et d’espérer ".
Théodore Monod est suffisamment cultivé pour être très humble car plus on apprend, plus on découvre et plus l’on constate qu’il y a à apprendre et à découvrir. La définition que Théodore Monod retiendrait probablement de lui-même serait donc, celle d’un chercheur en marche dont l’objectif est celui de la science : " tenter d’accroître le volume des connaissances humaines ".
Théodore Monod ne se contente pourtant pas d’accumuler de manière encyclopédique les savoirs propres aux sciences naturelles, il est actif et autodidacte.
2 - 2 Savant et philosophe ne sont pas nécessairement en contradiction
L’appréciation attribuée à Théodore Monod étudiant en Philosophie était la suivante : " Ne mérite que des éloges ".
La définition étymologique de la philosophie : l’amour du savoir, la quête, la recherche du savoir ; convient parfaitement à Théodore Monod qui a quatre vingt quinze ans est toujours en marche vers la connaissance. Un extrait du livre au titre très évocateur : le chercheur d’absolu, exprime cette dualité de Théodore Monod qui n’est pas partagé entre science et philosophie mais qui a réuni en lui-même la recherche et la réflexion :
" C’est une pièce de plus à ajouter au puzzle du Nouvel Homme. Il s’agit de préparer une voie améliorée ou moralement acceptable. A la ville, je ne suis plus délié de mes responsabilités, comme dans le désert ou avec l’accomplissement de mon travail de chercheur, je vois le songe se relier à la réalité.
Je réfléchis à ces problèmes et à mille autres sujets dans " mon travailloir " du Muséum national d’histoire naturelle. C’est ma cellule scientifique et philosophique. Sur ma table, se trouve un biface qui n’a pas été déplacé durant cent millions d’années, malgré le passage de toutes les espèces du Néolithique. Et cent millions d’années plus tard, je l’ai ramassé. N’est-ce pas une invitation au silence, à la méditation et à l’espérance dans la pérennité ? "
Un autre aspect rapproche Théodore Monod de la philosophie, il s’agit de sa volonté de porter un intérêt global à l’Humanité, aux problèmes qu’elle rencontre et qui sont souvent de son fait. Cependant, Théodore Monod n’entend pas prévenir l’homme de l’homme mais que celui-ci progresse vers un nouvel état dans l’intelligence celui de Nouvel Homme plus responsable, plus responsable, moins égoïste à l’égard des autres comme de la nature aussi bien la flore que la faune.
Même dans ’sa fonction de’ chercheur scientifique, le professeur Monod s’intéresse aux sciences naturelles dans leur intégralité pour ne pas découper une partie de la vérité. Ces différentes spécialités font de lui un spécialiste des sciences naturelles ce qui lui permet de comprendre l’essence, mais aussi la profondeur c’est-à-dire la totalité du monde vivant. De plus, Théodore Monod a découvert dans le désert la solitude, le repos, le calme propices à la réflexion, au recueillement, à la méditation qui peuvent conduire à l’objectif qu’il s’est fixé, l’élévation spirituelle. Le désert refuse le superflu, l’apparence et ne retient que la pureté, le strict nécessaire, l’essentiel mais en contrepartie il offre la beauté, la magie.
Le désert impose également les exercices physiques qui permettent au philosophe d’évacuer toutes les futilités pour ne conserver que l’indispensable et sans doute le meilleur. Diogène se promenant sur le marché d’Athènes " Tant de besoins dont on n’a pas besoin ". Théodore Monod ne vit pas dans un tonneau, mais dans un désert, vêtu comme un Bédouin et chaussé de sandales affrontant l’aridité, la chaleur, marchant jusqu’à onze heures par jours dans un désert aux conditions extrêmes où la souffrance est inéluctable et indispensable. La privation, la frugalité, l’humilité font aussi partis de ces exercices physiques ayant pour finalité l’élévation spirituelle, l’absolu. " Moins d’un litre d’eau par jour dans le désert c’est trop ou c’est trop peu, c’est suffisant pour vivre nous l’avons prouvé mais pas pour être heureux " confesse Théodore Monod.
Enfin, Théodore Monod poursuit cette coexistence en lui de l’esprit scientifique et de la réflexion sur les thèmes essentiels de la philosophie et de la réalité de l’existence humaine dans ses entretiens, dialogues avec des intellectuels scientifiques Albert Schweitzer, Albert Jacquard... et avec des philosophes notamment Pierre Teilhard de Chardin avec qui il a correspondu longuement abordant tous les sujets philosophiques liés à l’expérience humaine, Théodore Monod y fait allusion dans le Chercheur d’absolu : " Il faut faire face au défi du XXIème siècle. Teilhard de Chardin, dont la pensée avait déjà franchi le cap du troisième millénaire, croyait, sans penchant réactionnaire, au retour des valeurs : morales, spirituelles, mystiques. Sa philosophie religieuse fut incomprise car trop théorique. Mais sa pensée, " tout ce qui monte converge ", dynamise toujours les penseurs qui préparent l’avenir du genre humain. [...] Teilhard et moi étions convaincus que l’homme est loin d’être terminé, qu’il fallait dégager ses énergies morales et physiques inemployées. [...] L’esprit de fidélité nous unissait. Grâce à notre amitié, à nos réflexions, nous avions structuré nos pensées communes. Je le ramenais vers plus de pragmatisme et nous échangions nous découvertes. Nos recherches convergeaient vers l’arbre humain. Le centre en était la connaissance toujours plus enrichie du groupe zoologique humain, sa structure, son expansion. Teilhard employait les mots " compression, convergence ". Il m’a confié son amertume de voir sa pensée incomprise, détournée. "
2 - 3 Combats, réflexions, convictions de Théodore Monod
2 -31 A propos de l’homme et de ses agissements
Tout d’abord, Théodore Monod apporte sa réflexion sur des sujets d’actualité mais dont la valeur est philosophique. Ainsi il ne ménage pas le genre humain lorsqu’il met sa raison, son intelligence au service de la guerre, de l’argent, du progrès envers et contre tous. Il condamne sévèrement les agissements de l’homme dont l’orgueil est tel qu’il se permet tout sans penser au à la nature, la flore comme la faune qu’il détruit pourvu que cela lui rapporte. Théodore Monod affirme que la seule religion de l’homme est l’argent qui lui permet d’acquérir de nombreux biens matériels souvent inutiles, qui le rendent totalement dépendant. " Bien sûr qu’il faut respecter la nature. Mais actuellement encore on continue à la ravager, ce ne sont pas les bonnes intentions des grands pollueurs... On vit dans une société basée sur le profit, sur l’argent, c’est ça qui compte. On vous permettra n’importe quoi à condition que cela vous rapporte. La morale ça n’existe pas. " s’attriste Théodore Monod lorsqu’il voit dans quelle situation se trouve l’homme aujourd’hui.
Fin de la correction Orthographique
Théodore Monod s’indigne également du massacre des animaux, êtres vivants sensibles, qui ressentent la souffrance et la douleur, au travers de la chasse qui en Europe n’est plus qu’une distraction, un loisir et certainement pas une nécessité pour survivre comme ce fut le cas pour les hommes préhistoriques; et au travers de la corrida qui un spectacle d’horreur affligeant. Théodore Monod répond aux défenseurs de la chasse, qui prétendent que c’est une chose traditionnelle, que: " Bien sûr c’est traditionnel, mais ce n’est pas parce qu’une chose est ancienne qu’elle est bonne. La guerre aussi est ancienne, la torture est ancienne, l’esclavage est très, très ancien mais cela n’est plus recommandable pour cela. " Quant à la corrida Théodore Monod la qualifie " d’abomination naturellement, bien qu’il y ait des poètes, des personnages littéraires qui s’extasient devant ces combats etc. etc. ". A ce moment là Théodore Monod a tendance à l’espièglerie dans cet exemple : " on a trouvé un provincial des dominicains qui prétend qu’assister au martyre d’un animal dans cet horrible spectacle de la boucherie des arènes est un facteur d’élévation spirituelle. Mais c’est incroyable ! incroyable ! un être normal, peut-être intelligent, théoriquement chrétien puisqu’il est dominicain, dire de pareilles énormités... "
Ces deux exemples prouvent que Théodore Monod refuse le conditionnement lorsqu’il est synonyme de manque d’intelligence et refuse les actes de l’homme lorsqu’ils sont irréfléchis.
La destruction de la nature aussi bien par la pollution que par le nucléaire (c.f. 2 - 32), entre autre les containers radioactifs enfouis sans savoir si les mouvements géologiques de la planète ne pourront pas les ouvrir au cours des siècles à venir, scandalise Monod qui fut un des premier en 1921 ou 1922 à créer une société de protection de l’environnement. En effet, bon nombre de scientifiques comme Théodore Monod n’ont pas attendu la création de parti prétendus écologiques pour s’intéresser et se préoccuper de la sauvegarde de l’environnement.
Les critiques adressées à Théodore Monod et à ses confrères à cet égard, l’accuse de se préoccuper de la nature, de la faune, de la flore mais pas des hommes. A ces critiques, Théodore Monod rétorque très justement que " Pourquoi s’intéresser aux animaux plutôt qu’aux hommes ? La question n’est pas de savoir si c’est l’un ou l’autre, c’est l’un et l’autre. Ce n’est pas A ou B, c’est A et B. Pour les gens qui nous font cette réflexion quotidienne, c’est probablement en ce qui les concerne ni A, ni B, ni les hommes, ni les animaux, je le crains profondément. "
A propos de la politique, Théodore Monod porte un jugement très sévère au travers de cet exemple " Un ministre de l’intérieur il y a quelques années avait cru bon de nous rappeler, nous prenant probablement soit pour des ignorants soit pour des imbéciles que la morale s’arrêtait sur le seuil de la raison d’état. Mais cher monsieur nous savons ça depuis des milliers d’années, ce n’est pas nouveau, que l’état pratique une politique violente, cruelle etc. qui n’a jamais été tentée dans l’histoire humaine de céder à des préoccupations d’ordre moral. "
L’Afrique elle aussi a souffert de la politique pratiquée par les pays occidentaux qui se sont partagés tout le continent comme ne témoignent les frontières rectilignes comme autant de traits tirés sur le planisphère, sur le monde, mais aussi sur ses habitants. Ainsi, le problème soulevé actuellement par Théodore Monod sur la politique africaine est celui des nomades. Les touaregs sont des itinérants qui sont incontrôlables par les différents gouvernements de l’Afrique subéquatoriale. Les touaregs vivent du troc, échanges entre eux de diverses denrées ce qui dérangent profondément les états qui entourent le Sahara qui font tout leur possible pour les sédentariser et ainsi les priver de toute leur culture et leur liberté. Ce drame humain a trouvé Théodore Monod comme défenseur qui nous en fait part dans un extrait du Chercheur d’absolu :
" Les nomades sont en péril. On peut tuer un peuple de différentes manières, pas seulement par les armes, mais aussi par le grignotement spirituel. Les Esquimaux, anesthésiés par les travers du modernisme, ont succombé à la " civilisation ". Mettre un Berbère dans une cage d’une H.L.M., le changer en Homo urbicus est une méthode comme une autre pour faire mourir un vieux loup des sables. [...] Le nomade ignore les frontières. Sa course est ancestrale. Il suit des traces transversales pour troquer les produits de son élevage, moutons sur pied, viande séchée, fromages, beurre, artisanat du cuir. Le " paiement " se résume en semoule, dattes, sucre, thé, couvertures. Mais maintenant, ils doivent organiser leur voyage en franchissant les frontières des Etats, ce qui signifie des détours clandestins et périlleux. Les points de jonction de ces tribus ont été modifiés. Le peuple du Sahara en général se suffit de sa propre culture, de sa propre civilisation. Quant à sa méthode pour se soustraire à l’ennemi, elle consiste à utiliser le terrain, la mobilité, en évitant si possible le combat. Détruire un peuple qui sait vivre en autarcie, qui souhaite l’autodétermination et pouvoir circuler librement sur quelques arpents de sables est un bel exemple de dictature gratuite. Déjà De Gaulle avait envisagé de conserver le Saharien algérien pour le gaz et le pétrole. Les gouvernements, pour résoudre le soi-disant problème du sous-développement des nomades veulent leur sédentarisation ; autrement dit, leur mort mentale. La liberté n’est pas aimée. Parqués, ils seront neutralisés, étouffés. "
Théodore Monod est volontiers éclectique dans ses prises de position, franches, directes et sans équivoque. A propos de la peine de mort, Théodore se réjouit et se trouve agréablement surpris que celle-ci soit abolie en France. Cependant il réplique virulement ; à tous ceux, qui devant n’importe quel coup dur, scandent " rétablissons la peine de mort ! " ; ces trois mots, tout en observant à la loupe une roche de son laboratoire : " rétablissons la barbarie . " Décidément éclectique, Monod n’a pas besoin de long plaidoyer, comme a pu le faire Robert Badinter, pour faire passer ses idées qui sont le fruit de la réflexion et de intelligence. Monod percute, grâce à des arguments chocs, pour faire réagir et changer les choses et les gens suivant son idéal : " l’utopie ce n’est pas l’irréalisable, c’est l’irréalisé ! "
Théodore Monod n’apprécie guère le qualificatif d’aventurier car l’aventure signifie beaucoup de choses actuellement " Est-il bon de rappeler qu’il y a aussi l’aventure spirituelle dont on ne parle pas et pourtant c’est peut-être la plus belle et la plus importante ". Théodore Monod est assez caricatural lorsqu’il parle de l’aventure au sens de voyage c’est pourquoi cette définition ne lui convient pas du tout : " Enfin, on monte au sommet de l’Everest, on mange une boîte de sardine, on agite un petit drapeau et on redescend sans avoir penser à ramasser un lichen ou un cailloux, ça saurait peut-être pu servir à la science ! "
Théodore Monod met aussi en garde l’homme contre lui même car il risque d’être la cause de sa disparition - " les animaux ne se plaideraient pas naturellement une fois débarrassés de leur bourreau et la nature a exister avant l’homme, elle pourra exister après l’homme " - s’il ne grandit pas moralement comme le suggère Monod, vers un Nouvel Homme dont l’idéal serait supérieur à l’actuel. Le progrès attendu par Théodore Monod est d’ordre moral, spirituel et certainement pas en suivant le genre de formule banale que combat Théodore : " on n’arrête pas le progrès " le progrès vers quoi, à quel prix : devenir esclave du progrès technique quel bel objectif. Théodore Monod condamne les idées préconçues sans la moindre recherche personnelle et sans le moindre effort de réflexion ainsi, vient l’aphorisme stupide " si tu veux la paix, prépare la guerre ". La vérité pour Théodore Monod serait plutôt: " si tu veux la paix, prépare la paix ". Le Nouvel Homme ne peut exister que lorsque l’homme utilisera le mot comme unique arme. D’ailleurs, la malédiction du genre humain est selon Théodore l’invention de la poudre à canon.
2 - 32 Prise de position de Théodore Monod sur le nucléaire
Théodore Monod est très engagé dans la lutte pacifique contre le nucléaire. Dans le chapitre " résister ", du Chercheur d’absolu, il nous faire part de sa volonté que les pays industrialisés renoncent à cette puissance dangereuse qu’ils ne maîtrise pas entièrement et ses conséquences dévastatrices aussi bien à causes des bombes atomiques qu’à des fûts enfouis sous terre sans aucune certitude des conséquences à l’échelle de vie de la planète. C’est la raison de son jeun chaque année en mémoire des victimes d’Hiroshima et Nagasaki : " Chaque année, je participe à une manifestation silencieuse, dite d’interpellation, devant le poste atomique de Taverny. Du 6 au 9 août, je jeûne pendant quatre jours pour commémorer les morts d’Hiroshima et Nagasaki. Pour moi, 1997 est l’an 52 de l’ère nucléaire. Nous sommes une poignée de gens, dont les membres du collectif " Stop Essais " et de la " Maison de la Vigilance ". En silence, nous faisons notre station devant le PC atomique. Nous sommes des hommes et des femmes-sandwiches, porteur de pancartes réclamant la paix. Ni haut-parleurs ni poings levés, seulement une qualité religieuse de recueillement. La soie contre le fer. [...]Cette manifestation irritent, dérangent, réveillent quand même, ne fût-ce que quelques secondes, la conscience. Ils montrent que l’histoire n’a pas d’imagination, elle se répète " au nom du Père le Crime et du Fils le Pouvoir, et du Saint-Esprit l’Argent ". Tout est mis en place pour recommencer. "
Dans la présentation de Théodore Monod sur un reportage de la cinquième chaîne, le nucléaire tient une place importante, les principales idées énoncées par Théodore Monod sont les suivantes : " La bombe atomique est DIABOLIQUE non pas que les autres bombes soient louables, mais la bombe nucléaire est diabolique car elle atteint la population visée dans son devenir génétique ce qui est absolument atroce. Chaque année dans une urne sont ajoutés des petits morceaux de papier où est inscrit le nom des nouvelles centaines de victimes, hommes, femmes, enfants des deux bombes atomiques d’Hiroshima et Nagasaki ".
L’ère chrétienne s’est donc définitivement achevée pour Théodore Monod le 6 Août 1945 et nous sommes déjà depuis 52 ans dans l’ère atomique.
2 - 33 Combat mené par Théodore Monod pendant la seconde guerre mondiale contre le nazisme
Lors de la seconde guerre mondiale, Théodore Monod a pris position contre l’idéologie nazie tout à fait inacceptable pour un homme qui sait accepter les différences des autres, un homme qui sait rester humble et tolérant. 9;
Il ne faut pas négliger l’attitude de Théodore Monod pendant cette période sombre de l’histoire où les pires atrocités ont étés commises par le genre humain. Ce savant, pour défendre la tolérance et le respect d’autrui a donc combattu à sa façon, avec ses armes, c’est-à-dire les mots, l’idéologie nazie qui a poussé un peuple à se croire supérieur aux autres.
Les nombreux textes, articles, discours réalisés par Théodore Monod, à propos du conflit et de l’oppression d’un peuple par les nazis, notamment dans le journal la Quinzaine, font l’objet de la deuxième partie du Chercheur d’absolu.
L’objectif de ces " Textes de combats " n’est certainement pas de porter l’idéologie nazie en dérision mais au contraire d’analyser sérieusement les raisons des motivations des nazis et de décortiquer les fondements de telles atrocités. Théodore Monod démontre ainsi, de manière systématique et très organisée, l’absurdité du conflit, de la guerre et de toute l’endoctrination allemande.
" Loin de mon pays, je voulais retrouver par la force de l’esprit, les échos de la guerre ", écrit Théodore Monod, en 1942, à Dakar, dans son bureau de l’I.F.A.N. dont il est le directeur. La toile d’araignée nazie couvre la partie nord de la France. L’autre zone, dite " libre ", est asservie au régime collaborateur de Vichy.
Lors d’un voyage à Paris, où il remet au Muséum ses travaux et ses récoltes sahariens, le professeur constate l’étendue du mal et le travail des Résistants. Les Barbares, c’est l’occupant mais aussi certains Français profitant du lucre et du pouvoir.
Cette clairvoyance, cette vision, Théodore Monod les retranscrit dans ses textes de guerre. Ces textes écrits de 1942 à 1944, ont un demi-siècle, pourtant ils sont actuels, car l’histoire se répète. Si les veilleurs manquent, resurgissent les faux prophètes politiques ou religieux qui attendent le déclin d’un corps social et économique pour entrer en scène sous les projecteurs des médias.
Par ses écrits et ses actes, durant un conflit qui fut révélateur, un filtre, au même titre que le désert le fut pour Théodore Monod, nous lisons la méditation d’une âme universelle tournée vers l’espérance et la sagesse.
Voici les titres souvent évocateurs des principaux articles écrits et les principales conférences tenues par Théodore Monod :
- Paris 1942 (Radio-Dakar)
- Réflexions sur le sens du Conflit (Dakar, conférence)
Ici, Théodore Monod démantèle le nazisme en analysant toutes les raisons pour lesquelles il n’est pas crédible :
" I - Un système inhumain : la mystique totalitaire
II - L’esprit de domination et de violence
III - L’éducation pervertie
Dans les garderies, les bambins qui ne savent à peine parler ânonnent déjà le credo de leur future esclavage :
Nous aimons notre Führer,
Nous honorons notre Führer,
Nous suivons notre Führer,
Jusqu’à ce que nous soyons des hommes [...]
IV - Le mythe raciste
V - L’apothéose du mensonge
VI - Les faux dieux
Hitler a laissé un jour échappé une parole terrible et qui porte loin : " On est, nous dit-il, ou bien chrétien ou bien allemand, mais on ne peut pas être les deux à la fois. " On peut penser qu’il n’ait ici et pour une fois, dit la vérité.
Nous ne voulons pas de religion hitlérienne, nous ne voulons pas que l’on nous oblige à nous prosterner devant de grossières idoles barbouillées de sang, nous sommes décidés à défendre par tous les moyens, notre âme et celle de nos enfants, contre les faux dieux.
- Qu’en eût dit Péguy ? (la Quinzaine)
- Une devinette historique (la Quinzaine)
- Un " ami " de la France (la Quinzaine)
- En relisant Signal (la Quinzaine)
- Micros en guerre (la Quinzaine)
- Vers une fraternité française (la Quinzaine)
- Au seuil de l’année (la Quinzaine)
- Rien de nouveau (la Quinzaine)
- La Muselière (la Quinzaine)
- La Bifurcation (la Quinzaine)
- Le général Brosset et les études africaines (la Quinzaine)
2 - 34 Réflexions de Théodore Monod sur des sujets plus philosophiques
Tout d’abord, un problème qui touche chacun des êtres vivants, c’est leur condition de mortels. Face à la mort, Théodore Monod qui a déjà quatre vingt quinze ans, a une attitude très sage. Il n’est pas résigné et il considère la mort comme une expérience nouvelle bien évidement et bien qu’il ne soit pas particulièrement pressé, il a encore estime-t-il beaucoup choses à apprendre et à faire sur cette terre, deux raisons l’ empêche d’être effrayé de cette fin inéluctable. La première raison est son insatiable curiosité tellement débordante qu’il a envie de savoir ce qu’il y a après notre cours passage sur Terre. La deuxième raison est celle de la religion qui le soutien bien qu’il avoue ne rien savoir de ce qui se passe après la mort contrairement à certains religieux qui prétendent le savoir : " Personne ne m’a téléphoner, personne ne m’a écrit donc je ne sait pas. Il faut reconnaître lorsque l’on ne sait pas ; mais j’espère... Savoir et espérer sont deux choses totalement différentes. "
Voici un extrait du Chercheur d’absolu :
L’autre voyage au long cours
" Je ne sais quand je rendrais la barque prêtée " comme disais mon père. Je ne suis pas un extraterrestre. Je dois mon endurance à une vie frugale, à une dynamique naturelle puisée dans une hérédité saine. J’ai eu d’immenses privilèges, dont celui d’être éduqué par des parents très cultivés, bons, appartenant à une lignée de pasteurs protestants ; celui d’exercer le métier de ma passion, celui d’une constante soif d’apprendre, comprendre, découvrir, donner.
Je vais être appelé à passer sur l’Autre Rive. J’avoue ne pas être pressé, il me faudrait encore quelque deux cents ans pour, peut-être, épuiser ma soif de curiosité, mon désir de faire avancer la Connaissance et d’éclaircir ce point Alpha d’où nous sommes nés, de découvrir d’autres pays. Je ne suis pas inquiet de franchir le passage, j’en éprouve même une extrême curiosité, je me cristallise sur la question de savoir s’il y a quelque chose de l’autre côté du voile. C’est un prodigieux problème que cet Au-Delà. Mais je ne me précipite pas vers lui. Il me reste beaucoup de tâches, de travaux à terminer. Et surtout à mettre de l’ordre. Un ordre pluridirectionnel bien sûr. Enfin " la barque prêtée " était bonne. Elle ne m’a pas fait couler au fond. Les privilèges qui m’ont été donnés étaient tels, presque scandaleux, en regard des déshérités de l’âme et du corps qui peuplent le monde. J’ai toujours pu garder le droit fil d’une dimension spirituelle qui va de soi. Le bilan, ce n’est pas à moi de le faire. C’est à quelqu’un d’autre et à ceux que l’on aime ou que l’on aurait tant pu aimer. "
C’est alors le problème de la disparition de l’homme, qui a fait couler tant d’encre, qui est le motif de la réflexion de Théodore Monod. L’homme, par ses agissements, est fatalement appeler à disparaître et l’autre problème soulevé par sa disparition est : quelle espèce serait en mesure de le remplacer ? Sur ce sujet Théodore Monod émet plusieurs hypothèses : " Formulons une hypothèse : Si l’homme disparaissait, quelle espèce le remplacerait ? Les fourmis peut-être ? Leur nombre, leur biologie, leur organisation sont prodigieux. Elles différencient les membres de leur communauté, l’amie de l’ennemie. Leur mode de communication est à moitié chimique, grâce à la distinction des odeurs notamment. Elles règlent la proportion des groupes à l’intérieur d’une colonie. "
Théodore Monod a fait une confidence à ce sujet à Albert Jacquart. L’espèce qu’il privilégie pour la succession de l’homme est la pieuvre car son cerveau est contenu dans une enceinte gélatineuse et non dans un crâne rigide c’est pourquoi il pourrait énormément s’accroître. Le fait que la pieuvre soit un animal aquatique est un grand problème car l’adaptation mer - terre ne nécessite que cent millions d’années ce qui n’est pas énorme et s’est déjà produit dans l’évolution. Le seul réel problème demeure dans la copulation, la pieuvre met bas avec des oeufs ce qui est gênant, ainsi Monod et Jacquart ont imaginé ce que serait la copulation des pieuvres sans oeuf : " Voilà les discutions entre vieux messieurs " nous déclare Albert Jacquart en riant.
La religion a aussi une place privilégiée dans les réflexions de Théodore Monod. En effet, descendant d’une lignée de grands pasteurs, le professeur Monod a longtemps hésité à renoncer à la pratique pastorale pour s’adonner à sa vocation de naturaliste. Cela ne veut pas dire qu’il se soit fermé à la religion, au contraire.
Théodore Monod est chrétien, protestant qualifié de libéral, bien que le mot soit mal choisi d’après lui, il aurait préféré le terme libéré. Cette tendance libérale signifie qu’il voit la religion davantage comme une conduite de vie, le chemin de la lumière vers laquelle l’homme doit se diriger pour grandir spirituellement vers les valeurs essentielles que sont le respect, la tolérance, la raison... plutôt que, comme une suite de paroles et d’écrits liturgiques dogmatiques.
Théodore Monod a été confronté très souvent à la religion musulmane dans ses expéditions dans le désert et il nous fait remarquer un détail intéressant : " Un jour un musulman m’a raconté une histoire : " C’est un bédouin qui est envoyé au Paradis et qui demande à Saint-Pierre : Pourquoi suis-je arrivé au Paradis ? Est-ce que c’est parce que j’ai beaucoup prié ? Non, lui répond Saint-Pierre. Alors, est-ce parce que j’ai beaucoup jeûné ? Non, pas du tout, lui dit alors Saint Pierre. Mais pourquoi suis-je au Paradis dans ces conditions ? C’est tout simplement parce que tu as, un soir d’hiver ou il faisait très froid, réchauffé dans ton manteau une petite chatte abandonnée. " et bien l’Islam c’est ça aussi !! ".de plus, Théodore Monod a cette réflexion très intéressante à propos de l’objectif qu’il faut se fixer dans la vie : [...] Je me suis inspiré de cette réflexion lapidaire pour répondre un jour à un musulman qui voulait me convertir à l’Islam : " il est une montagne unique. Nous la gravissons les uns les autres par des sentiers différents avec l’espoir de nous retrouver ensemble, un jour au sommet, dans la Lumière au dessus des nuages. "
2 - 4 Théodore Monod, pédagogue et humoriste
La meilleure preuve de la pédagogie et de l’humour de Théodore Monod réside dans son explication de la géologie du Sahara où se superposent les couches de confiture et de crème ce qui permet d’expliquer de façon simple mais néanmoins scientifique les différentes phases de l’évolution du sous-sol du désert depuis la création jusqu’à nos jours :
Théodore Monod à quatre vingt quinze ans a toujours l’esprit vif et plein d’humour comme en témoignent ces quelques extraits du Chercheur d’absolu :
" Un prêtre symboliste par refus de personnaliser Dieu, l’appelait le Divin. Et pourquoi Dieu serait-il un vieux monsieur barbu plutôt qu’une jeune et jolie femme? "
" Avec " Les Amis de la Terre ", lors de la reprise des essais nucléaires, je suis allé porter une lettre de protestation au président de la République. L’enveloppe contenait un grain de riz. Ce grain représentait un très beau symbole de fraternité tiré d’un conte oriental. Un puissant vizir voulant récompenser son plus fidèle esclave lui demanda : " Que veux-tu ? " L’esclave lui répondit : " Je souhaiterais obtenir pour moi et ma famille du riz en quantité telle que sur un échiquier on dispose un grain sur la première case, puis deux sur la deuxième, quatre sur la troisième, et ainsi de suite. " Le vizir surpris par cette humble demande la fit exécuter sur le champ. Il n’y avait pas alors de calculette et il ne s’était pas rendu compte du nombre astronomique de grains de riz que cela représentait. Quand il a compris, il a préféré accorder la liberté à l’esclave. "
Le jeu suivant est également très amusant et surtout très moral :